BÉLIER AU ROCHER (1908)

Émile-Antoine BOURDELLE

Bronze à patine brune signé « EMILE ANTOINE BOURDELLE VDL 1909 » (VDL pour Villard-de-Lans) et numéroté (4)
Fonte Hébrard, porte le cachet du fondeur « Cire perdue A.A. Hébrard »
H. 31 x L. 14 x P. 24 cm
Circa 1909

Bibliographie : Sous la direction de Valérie Montalbetti Kervella Bourdelle la mémoire des objets : exposition Montauban, musée Ingres Bourdelle du 7 juillet au 12 novembre 2023 et Paris, musée Bourdelle 3 avril au 18 août 2024, pages 139 à 142.

Description

Bourdelle garde la nostalgie du monde agreste de son enfance. Dans son regard d’adulte, la campagne du Quercy se confond avec l’Hellade (la Grèce antique). Il aime évoquer son grand-père et son oncle chevriers et raconter qu’enfant, il a gardé les troupeaux. En 1908, cherchant à renouer avec une vie pastorale, il emmène sa famille à Villard-de-Lans (Isère), dans une ferme, pendant l’été. Il en rapporte un carnet rempli de croquis de moutons (dont quelques béliers), portant pour certains une cloche au cou. À cette occasion, il découvre un bélier qu’il adopte littéralement, passant ses journées avec lui et l’accompagnant dans ses promenades. Il évoque longuement le bélier familier devenu modèle : « Je descends des torrents pour vous écrire, et j’ai près de moi un bélier affricain [sic], qui met sur mon papier son museau sauvage suivi d’un front cornu. […] Il était sauvage, et pour cause, mais je lui ai parlé avec des actes, je l’ai pris dans ma grange ; je l’ai élevé à la dignité de modèle ; puis on l’a admis dans la famille ; il mange de notre pain, des pommes aussi ; il regarde tout et nous regarde aussi de ses grands beaux yeux très doux. »

L’animal inspira à Bourdelle trois sculptures entre 1908 et 1909 : le Bélier au rocher, le Bélier couché et le Bélier rétif. Détail marquant de notre sculpture, la cloche d’alpage au cou de l’animal ; le sculpteur aimait cet objet qu’il a voulu ici reproduire en sculpture, comme en témoigne la cloche au mur de son appartement, plus tard suspendue dans l’atelier de sculpture.

Malheureusement l’histoire se termine mal. Bourdelle, qui avait temporairement sauvé le bélier de l’abattoir, doit rentrer à Paris et ne peut l’emmener. Cette séparation le marqua profondément ; il fit de cet épisode tragique un dessin bouleversant. Quelque temps après, dans une lettre à Henri Gauthier, accompagnant l’envoi d’une édition du Bélier au rocher, le sculpteur lui demande d’en prendre soin : « Que ce petit bélier, que Pierre Mille a célébré, aille vivre près de vous et des vôtres ; Cette petite sculpture est très fragile […], un coup de plumeau peut mettre en péril la vie de mon vieux compagnon le bélier affricain […] C’est tout ce qui reste de lui ; le voilà chez vous avec mon amitié ».

Il existe au moins 4 exemplaires de ce modèle. Bourdelle avait pour habitude de limiter l’édition de ses œuvres à un maximum de 10 exemplaires.