Description
Cette sculpture illustre un épisode tiré du livre XII des Métamorphoses d’Ovide où le centaure Eurityon, ivre, enlève Hippodamie alors qu’elle vient d’épouser Pirithoos, le roi des Lapithes, un peuple pacifique de Thessalie. Cet incident sera à l’origine de la guerre entre Lapithes et Centaures, ces êtres fabuleux à tête et torse d’homme sur un corps de cheval, pour la domination de la Thessalie. Elle s’achèvera par la victoire des Lapithes obligeant les Centaures à se réfugier dans les montagnes de l’Arcadie.
Cet enlèvement et plus particulièrement les combats qui s’ensuivent entre Lapithes et Centaures deviennent un emblème de la lutte entre raison et bestialité, civilisation et barbarie, combats souvent représentés dans l’iconographie classique ou post-classique.
Carrier-Belleuse choisit en revanche de représenter le moment dramatique où le centaure enlève la jeune Hippodamie.
Pour augmenter la tension du drame il joue sur les contrastes de formes et de mouvement. Ainsi dans une composition dynamique ascendante il met en scène deux corps en tension : celui, souple et gracieux, de la jeune femme retenue par l’autre, puissant et nerveux, du centaure. L’expression du visage du centaure, le tournoiement des corps, le traitement tourbillonnant du drapé, l’amplification des gestes, tout concourt à créer une impression de mouvement violent et de déséquilibre maîtrisé, typique de l’esthétique baroque revisitée en cette seconde moitié du XIXe siècle.
Toutefois, l’énergie expressive du groupe sort du registre habituel de Carrier-Belleuse.
Si la figure d’Hippodamie ressemble étroitement aux nus féminins typiques de l’artiste, le centaure évoque plutôt le travail de Rodin, praticien et collaborateur de Carrier-Belleuse de 1864 à 1871 puis à nouveau de 1877 jusqu’à peut-être 1879. C’est au cours de cette seconde période que Rodin réalise le Vase aux titans, signé « Carrier-Belleuse » mais depuis réattribué au Maître. Or le développement hypertrophié de la musculature de notre centaure rappelle davantage celui des figures masculines du Vase aux titans que celui que l’on trouve pour les nus masculins de Carrier-Belleuse. De même le monumental de la composition et le modelé du centaure, proche du non finito michelangelesque que l’on retrouve chez Rodin n’a pas d’équivalent dans l’œuvre de Carrier-Belleuse qui privilégie les fioritures rococo et les détails descriptifs.
Tout porte à croire que Rodin a bien participé à la création de ce modèle, œuvre de maturité dans le corpus d’œuvres de Carrier-Belleuse ainsi que l’atteste la signature « Carrier-Belleuse » inscrite sur la sculpture, après avoir initialement signé ses travaux « A. Carrier ».
Il en aurait réalisé plusieurs versions, notamment une pour le trophée du Jockey club, publiée par Le Monde illustré, en 1874, très différente de notre modèle et dans laquelle l’implication de Rodin n’est pas aussi évidente.
Le style, la composition et l’échelle de notre sculpture corrrespondent à la version conservée à la National Gallery of Art de Washington et qui est présentée comme datant des années 1877-1879.
Tout comme celui de ce musée, notre exemplaire ne présente pas de marque de fondeur, comme c’est en général le cas dans pour les œuvres de Carrier-Belleuse de cette époque qui pourtant ne s’adressait qu’à de grandes fonderies. C’est ce que signifie le poinçon frappé sur les deux exemplaires et indiquant « BRONZE GARANTI AU TITRE PARIS ».
Notre sculpture est une fonte au sable de très grande qualité couverte d’une belle patine à nuances de verts et de bruns qui permet encore d’accentuer et de jouer tout en finesse sur le travail du modelé.
















