CAPYBARA

Antoine JOUTSAYTIS 

Taille directe en pierre marbrière de Bourgogne, probablement de Saint-Martin-Belle-Roche
H. 39 x L. 46 x P. 18 cm
Circa 1940

Pièce unique

Exposition: Salon National des Beaux-Arts de 1941, n° 3551

Œuvres en rapport: Kroller Museum, Pays-Bas, Lion de mer, marbre, KM 119.053 ; The  M.K. Ciurlionis National Museum of Art, Lituanie, Lion de mer, marbre, inv. MS-16

Bibliographie : Sylvie Buisson et Martine Fresia, La Ruche, cité des artistes, Paris, 2009, exemplaire reproduit p. 84 ; Jessica Watson , Rachel Mazui, Bertrand Tillier et Philippe Cinquini, André Claudot : la couleur et le siècle, Paris, 2021.



 

Description

Très peu d’œuvres subsistent de ce talentueux artiste originaire de la partie lituanienne de la Russie, dont il reste deux portraits mais peu d’informations. Même son nom est imprécis puisqu’il apparaît sous différentes orthographes (Joutsaytis, Yucaitis, Yutsaïtis…) ainsi que son prénom, tantôt Aron, tantôt Anton. On sait qu’il arrive à Paris en 1897 et qu’avant 1911 il est installé dans le quartier de  Montparnasse, à La Ruche, une résidence créée en 1902 à l’initiative d’Alfred Boucher pour accueillir les artistes sans ressources. Il y loge dans la partie la plus pauvre, passage Dantzig, une allée bordée de petits ateliers jouxtant le corps du bâtiment principal. Dans ce lieu mythique où naquirent les prémices des avant-gardes il fréquente Soutine, Chagall, Krémègne, Lipsi ou Kikoïne. Il fait ainsi  partie de la première génération d’artistes qui ont émigré à Paris au début du XXe siècle et qui constitueront ce qui sera désigné plus tard comme l’Ecole de Paris.

Exposant régulièrement dans les grands salons parisiens tels que la Société Nationale des Beaux-Arts, le Salon d’Automne, ou celui des Indépendants, ses œuvres ont rapidement attiré l’attention. Au début des années 1930, Anton Joutsaytis est reconnu comme un artiste de talent, nommé membre associé de la Société Nationale des Beaux-Arts en 1932 et membre d’honneur de la Société des Sculpteurs Animaliers quelques années plus tard.

Il expose de petites statuettes, quelques portraits et surtout des animaux tels que oiseaux, poissons, phoques, tapir ou d’autres plus étranges comme des insectes (scarabées, cafards, mouches, bêtes à bon Dieu…) et inhabituels à l’image de notre Capybara.

Facilement reconnaissable à sa tête rectangulaire au large museau aplati, à ses yeux effilés, à ses petites oreilles droites et ovales, à ses pattes en étoile à quatre doigts à l’avant et trois à l’arrière et à son absence de queue, il s’agit du plus grand rongeur du monde, dont le Jardin des Plantes possédait au moins un spécimen. Anton Joutsaytis, dans une facture entièrement lisse, synthétise admirablement toutes les caractéristiques de l’animal. Sa manière de traduire les plis du mammifère semi-aquatique par des bourrelets verticaux est la même que celle qu’il adopte sur les deux Lion de mersignés et conservés l’un au Kroller Museum aux Pays-Bas et l’autre au Musée de Kaunas en Lituanie. S’il aime tout particulièrement les marbres de couleur, il taille des pierres de toutes sortes et plutôt de petites dimensions. Aussi notre sculpture, de taille relativement importante, fait-elle figure d’exception. Mais en travaillant à La Ruche il était fréquent qu’Alfred Boucher mette gracieusement à la disposition des créateurs, et notamment des sculpteurs, les matériaux onéreux nécessaires à leurs recherches. Il n’est donc pas impensable que ce soit par ce biais qu’Anton Joutsaytis se soit procuré cette magnifique pierre marbrière de Saint-Martin-Belle-Roche reconnaissable à son coloris beige rosé et à son aspect pointillé dû à la présence de fossiles d’entroques.

Il s’agit probablement d’une des dernières œuvres d’Anton Joutsaytis puisqu’il meurt quelques mois après l’avoir exposée au Salon National des Beaux-Arts en 1941.

Cette pièce unique reste donc le vivant témoignage du grand talent de cet artiste malheureusement oublié.

Nous remercions très sincèrement Madame Rachel Mazui pour toutes les précieuses informations qu’elle nous a données.