Description
Conçu par l’artiste durant l’été 1922 pour sa villa de villégiature normande, la « Villa les Cloches » située à Vattetot-sur-mer, cet imposant manteau de cheminée en plâtre patiné a échappé de justesse à la destruction après la Seconde guerre mondiale, grâce à l’intervention du maire de la commune à la suite de la vente de la maison.
Entièrement sculpté en haut relief sur le thème du Jugement Dernier, il se compose d’un entablement porté par deux piédroits et d’une plaque décorative venant surmonter l’ensemble. Celle-ci représente le paradis où les justes figurent de part et d’autre du Créateur dans une composition en frise où règnent la joie de vivre et l’amour du prochain, tandis que la main gauche du Père pointe les damnés, placés dessous tout autour du foyer dans l’entablement et les piédroits, poussés dans la fournaise par le diable, aidé de deux dragons.
Cette pièce unique et sans précédent dans le corpus d’œuvres de l’artiste est à la charnière de son évolution artistique. Encore fortement influencée par son maître Auguste Rodin pour lequel il a été un des praticiens très appréciés, elle annonce déjà son ouverture à un courant plus moderne et plus sobre.
La structure même du manteau de cheminée n’est pas sans rappeler celle de la Porte de l’Enfer avec ses piédroits ornés entourant une zone rectangulaire surmontée d’un entablement. Comme dans cette œuvre de Rodin, la composition se plie au cadre architectural tout en cherchant des solutions pour intégrer les groupes sculptés à un ensemble décoratif. Ainsi l’entablement dessine une ligne sinusoïdale, par la position du diable, de ses bras, du cou galbé des monstres et de l’enroulement de leur queue, dans laquelle viennent se loger les damnés. Il en résulte une dynamique qui ne fait qu’accentuer le sentiment de chute produit par l’enchaînement vertical des corps dans les piédroits alors que dans le panneau supérieur les figures se tiennent ou s’embrassent comme dans une joyeuse farandole.
On retrouve également l’expressionisme du maître dans le traitement des corps, où les formes charnelles alternent avec les muscles noueux, dans l’expressivité des gestes ou encore dans les nombreuses attitudes en contrapposto.
Mais les formes sont plus pleines et le style plus calme. Les figures remplissent tout l’espace sans utilisation de motifs décoratifs à l’image des sarcophages antiques et de leur composition en frise. De même les paires de macarons qui encadrent l’entablement renvoient aux modèles antiques.
Si Drivier emploie le plâtre, matériau de prédilection de Rodin, l’application de la patine est volontairement laissée brute et imparfaite.
Par cette œuvre exceptionnelle, Drivier annonce son ouverture à la sculpture moderne dont il devient d’ailleurs l’un des chefs de file.