LE SALUT DE L’ÉTENDARD (1882)

Pierre-Nicolas TOURGUENEFF

Bronze à patine brun nuancé, signé « Pierre Tourgueneff ».
Fonte de  Gruet, porte la marque du fondeur « GRUET Jne FONDEUR / PARIS. ».
H. 53 x L. 45,5 x P. 21 cm.
Avant 1890

Exposition : Salon de la Société des artistes français, 1882, n° 4880, modèle en cire

Description

Cet élève de Frémiet, né d’une famille originaire de Russie, pourrait être classé parmi les animaliers tant il est passé maître dans la réalisation de portraits de chevaux. Mais on lui doit également des figures équestres, en majorité des militaires de son époque ou du premier Empire.

Si notre sculpture présente bien une figure équestre elle fait exception en ce qui concerne la période. Pierre Tourgueneff nous décrit un porte-étendard de la compagnie des Mousquetaires du roi à l’époque de Louis XIII effectuant le salut de l’étendard. Ce dernier est une pièce de tissu fixée sur une pique ou une lance qui doit être portée par le lieutenant de la compagnie à laquelle l’étendard est attaché. Le salut de l’étendard est une figure codifiée qui consiste à baisser doucement la lance de manière à la mettre presque à l’horizontale et à la relever de même. Ce salut est notamment dû au roi, à la reine, aux enfants de France, aux princes du sang et légitimés, aux maréchaux de France… Dans le cas de notre sculpture il est effectué par un soldat de la cavalerie légère de la compagnie des Mousquetaires dont la description est remarquablement précise bien que parfois fantaisiste. Il faut dire que l’uniforme n’est pas vraiment fixé au XVIIe siècle surtout au moment de la création de ce corps en 1622 par Louis XIII, qui, alors en guerre contre les Protestants, décide de détacher cinquante carabins de la compagnie des chevau-légers de sa garde, pour former une unité d’élite indépendante.

Comment ne pas penser au célèbre d’Artagnan en voyant ce mousquetaire aux cheveux longs et à la fine moustache, bien en selle sur son cheval, coiffé de son chapeau à plume, chaussé de cuissardes et revêtu d’un plastron à bec en fer qui laisse voir le grand col à rabas typique du milieu du XVIIe ?  Il tient de la main droite l’étendard tandis que de l’autre, au côté de laquelle pend son épée, il serre les rênes de son cheval.

Le salut de l’étendard est construit avec toute la dynamique d’un portrait équestre baroque, qui représente le cheval effectuant une levade, aussi appelée courbette, c’est-à-dire qu’il est dressé sur ses pattes arrières et élève ses membres antérieurs. Une telle pose, aussi élégante qu’élaborée, était le signe à la fois d’un long entraînement et d’une grande maîtrise de l’art équestre par le cavalier. Le cheval est particulièrement préparé pour l’occasion avec sa crinière et sa queue ornées de tresses et de rubans.

Pour l’édition de ses bronzes Pierre Tourgueneff fait en général appel à la fonderie Susse, qui a édité un véritable catalogue des modèles fondus.

Mais pour la fonte de ce travail artistique extrêmement précis et documenté où tous les détails sont soignés, Pierre Tourgueneff a choisi un fondeur de grande qualité : Gruet le Jeune. La marque du fondeur indique qu’il s’agit de Charles Gruet qui a aussi fondu pour Rodin et qui meurt en 1890. La fonte de notre exemplaire est donc nécessairement antérieure. Le modèle en cire a été exposé au Salon de 1882 mais on n’en connaît pas d’autre exemplaire en bronze.

Il y a tout lieu de croire qu’il s’agit d’une pièce unique.