Description
Ce n’est que dans les dernières années de sa vie, celles de la maturité, que Jules Desbois va s’intéresser au portrait. Sa nature humble, profondément humaine, sa manière artisanale d’aborder le travail le prédisposent tout à fait à ce genre qui vise à restituer en même temps que les traits d’un individu, sa personnalité. Chacun des portraits de Jules Desbois est une remarquable étude psychologique de son modèle.
Il s’intéresse dès 1904 à l’épouse de son ami et voisin le peintre Maximilien Luce, Ambrosine Bouin, dont il réalisera plusieurs portraits en différents matériaux (marbre, plâtre et terre cuite, édités en bronze pour certains comme c’est le cas de notre exemplaire). Pour chacun d’eux la composition est frontale, structurée par une abondante chevelure venant encadrer le visage aux traits marqués par de larges pommettes, de grands yeux sans pupille et une bouche à peine entr’ouverte aux lèvres bien ourlées. Mais à la différence d’un simple portrait en buste, plus conventionnel, comme celui que Jules Desbois présente à l’Exposition internationale de Düsseldorf en 1904, notre bronze se présente comme un masque, réduisant ainsi le portrait à sa plus visible expression, ne conservant que le visage, les oreilles, la couronne des cheveux et la naissance du cou. Objet énigmatique par excellence, le masque connaît en France un succès considérable à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Dans la sculpture, en particulier, il devient une forme d’expression privilégiée du symbolisme. Mais il joue également un rôle essentiel dans l’élaboration de l’esthétique du fragment et dans l’évolution du portrait en général. C’est le masque de l’homme au nez cassé de Rodin qui est à l’origine de cette évolution. Or cette œuvre, devenue masque à la suite d’un accident qui, selon les dires de Rodin « détermina tout mon futur travail […] que j’ai gardé en esprit dans chaque chose que j’ai faite », a tout d’abord été refusée au Salon avant d’être précisément redécouverte par Jules Desbois une dizaine d’années plus tard. La filiation semble évidente, mais Desbois va, comme toujours, plus loin dans l’analyse psychologique tout en respectant les traits du modèle. Quelle femme se cache derrière ce masque à l’expression si douce ?
Un plâtre du modèle de notre sculpture est conservé dans les collections du Petit Palais. Son édition en bronze est rare et, comme notre exemplaire, toujours sans marque de fondeur.