LES LIMBES (1888)

MANUFACTURE DE SÈVRES et Auguste RODIN  page1image37504320

Porcelaine blanche émaillée de couleur vert céladon
Porte au dos les inscriptions C-D dans la pâte et KG au crayon noir
Essai d’émaillage probablement réalisé par E.-S. Auscher (chef de fabrication à la Manufacture de Sèvres)

Hauteur : 16,2 cm
Largeur : 11 cm
Profondeur : 3,5 cm

Dans un encadrement postérieur en laque noire signée « Hama Naka » et daté de l’année 12 de l’ère de Shõwa, soit 1937, sur la tranche.H. 30 x L. 20 cm (cadre)

Un avis d’insertion au Catalogue Critique de l’œuvre Sculpté d’Auguste Rodin, actuellement en préparation à la galerie Brame & Lorenceau, sous la direction de Jérôme Le Blay, rédigé en date du 9 février 2023, sous le n° 2022-6742B sera remis à l’acquéreur.

Provenance : Ernest-Simon Auscher, Paris (chef de fabrication à la Manufacture de Sèvres 1879-1889); Vente Collection ES. Auscher, Paris, Hôtel Drouot, 31 octobre 1935 lot 112 & 113 « Sèvres. 4 plaques de revêtement fond vert en 2 modèles d’après Rodin réalisés par M. Auscher»; collection privée, Paris.
Œuvres en rapport : Manufacture de Sèvres et Auguste Rodin, Portion du vase Saïgon Les limbes et les Syrènes (1888) H.16,1 x L.11,7 x P.4,5 cm, Meudon, musée d’Art et d’Histoire. Entré dans les collections avant 1937 ; Manufacture de Sèvres et Auguste Rodin, Les limbes (1888) H.16,1 x L.11,7 x P.4,5 cm Essai de cuisson Paris, musée Rodin (S. 06752), acquis en 2010 ; Manufacture de Sèvres et Auguste Rodin, La Sirène (1888) H. 12 x L. 7,5 x P. 1,5 cm Essai de cuisson, Paris, musée Rodin (S. 06753), acquis en 2010.
Bibliographie : Collectif, « Corps et décors. Rodin et les arts décoratifs » Paris, musée Rodin, 16 avril au 22 aôut 2010, p. 112, Essai d’émaillage Les Limbes et les syrènes, reproduit [58] et p. 113 Vase Saïgon Les Limbes et les Syrènes, reproduit [59] ; cahier complémentaire page IX, Essai d’émaillage Les Limbes reproduit [58bis] et Essai d’émaillage La Sirène reproduit [58 ter] ; Collectif, Rodin Corps et décors, Beaux- Arts éditions, 2010, pp. 30 et 31.

VENDU

Description

Le rapport entre sculpture et décoration traverse toute la carrière de Rodin et ne se limite pas seulement aux deux premières décennies du sculpteur (1860-1880). Son activité artistique s’exerce dans un dépassement des catégories et des cloisonnements convenus, à savoir : le dessin, les objets d’art, la sculpture « de Salon », la sculpture monumentale…. C’est Carrier-Belleuse qui, le 24 mai 1879, propose d’embaucher Auguste Rodin à la Manufacture de Sèvres comme collaborateur. Ce dernier n’aura de cesse d’exprimer toute sa créativité de dessinateur, de sculpteur, de décorateur dans l’art de la porcelaine, comme en témoignent ses chefs-d’œuvre Les seaux de Pompéi Le Jour et La Nuit (1881-82) (Sèvres, musée national de la céramique, MNC 8522 ; Paris, musée Rodin, S 2416). C’est en vue de l’Exposition universelle de 1889 que trois modèles du Vase Saïgon lui sont commandés à la fin de 1887 ou au début de 1888. À la différence des vases décorés dans la période précédente, ces vases d’édition n’ont jamais été travaillés directement par le sculpteur : celui-ci fournit à la Manufacture des vases ornés de bas-reliefs, sans doute en plâtre, lesquels sont moulés afin de permettre l’exécution de plusieurs exemplaires. Rodin reprend des motifs qu’il a préalablement élaborés pour sa Porte de l’Enfer afin d’en créer de nouveaux pour Sèvres. C’est en effet une partie du décor en bas-relief du piédroit de gauche de la Porte de l’Enfer que l’on reconnaît sur une face du vase et l’essai d’émaillage Les limbes que nous possédons aujourd’hui : deux personnages michelangelesques s’enchaînant verticalement, comme pour évoquer le sinistre défilé des ombres qui peuplent les limbes… Pour le second essai La Sirène, Rodin reprend de dos la figure en ronde- bosse de la Faunesse à genoux, autre figure de la Porte de l’Enfer. En transformant ses faunesses en sirènes, il ne fait que passer d’une créature monstrueuse à une autre, toutes deux associées à la duplicité, à la séduction et à la volupté : « …, et en peu d’instants, elle paraît à mes yeux aimable et séduisante. Alors, d’une voix harmonieuse et captivante, dont le charme m’enivrait, elle chanta ainsi : – je suis la douce sirène : au milieu des mers, les matelots ensorcelés s’égarent à ma voix. » (Dante, La Divine Comédie).

Avant de se lancer dans un décor important, Rodin, comme ses collègues décorateurs, procédait à plusieurs essais, notamment pour juger de l’accord entre la couverte et le modelé. Pour cela les émailleurs font varier la couleur, la texture et l’épaisseur de l’émail sur des portions de décor qui sont soumises au feu afin de tester leur réaction. Nos essais d’émaillage sont insérés, comme ceux du musée Rodin, dans de beaux montages en bois laqué réalisés en 1937 par Hamanaka, grand spécialiste japonais qui contribua à la diffusion de cet art en France.

On notera que les deux exemplaires du musée Rodin proviennent très probablement de la même origine à savoir Ernest-Simon Auscher, chef de fabrication à la Manufacture de Sèvres en 1879 et 1889, vraisemblablement l’auteur de ces deux essais.