HENRI DE ROTHSCHILD

PRINCE PAUL TROUBETZKOY 

Plâtre original patiné, signé et daté « Paul Troubetzkoy 1909 »
H. 56 x L. 24,7 x P. 26 cm
Circa 1909
Provenance : Famille Rothschild.
Exposition : New York, Albright art Gallery, du 27 mars au 27 avril 1911
Bibliographie : Pauline Prévost-Marcilhacy, Les Rothschild, une dynastie de mécènes en France, Paris, 2016, Tome II, pages 204 à 220.

 

Description

Surnommé par Guillaume Apollinaire le « Michel-Ange du minuscule », Troubetzkoy porte à sa perfection le genre du « portrait statuette » en plâtre original ou fondu à cire perdue par Hébrard, Valsuani, Roman Bronze Works. Face au modèle vivant, sa main agile, large et forte pétrit la glaise ou le plâtre travaillé au couteau. Ses esquisses portent sous l’apparence hâtive de leur facture l’empreinte d’œuvres définitives, grâce à l’agencement subtil des plans, à la vibrante harmonie des masses et à la force de vie latente qui les animent… Son modelé aux arêtes vives transmet parfaitement la lumière qui glisse sur la cassure des étoffes. Les grands noms du Tout-Paris posent pour ses portraits-statuettes : la baronne Robert de Rothschild, assise, décolletée, près d’un chien à demi-couché qui la garde magnifique et protecteur, presque héraldique (Collection baron Elie de Rothschild, Paris), mais aussi le non moins célèbre baron Henri de Rothschild, modèle de notre sculpture. Grand, doté d’un certain embonpoint, l’allure bonhomme, un cigare toujours à la main : sa silhouette fait le bonheur des chroniqueurs de l’époque, qui publient régulièrement son portrait. Troubetzkoy choisit quant à lui de le représenter dans une pose décontractée, une main dans la poche, bien campé sur ses jambes.

Fils de James Édouard (1844-1881) et Thérèse de Rothschild (1847-1931), Henri de Rothschild (1872-1947) est sans doute l’une des personnalités les plus entreprenantes de la famille. Il est à l’origine des deux plus importants donations et legs faits à la Bibliothèque nationale au XXe siècle : la première donation en 1933, comporte sa très importante collection d’autographes (plus de cinq mille pièces) ; le legs, en 1947, de sa collection de livres, est l’une des plus grandes bibliothèques privées du XXe siècle. Esprit curieux, Henri de Rothschild est tout autant attiré par le progrès technique et la médecine, que par la littérature et le théâtre, mais chacun de ces domaines est considéré en parallèle avec ses activités d’homme d’affaires, d’entrepreneur, d’éditeur, de collectionneur ou de philanthrope. Très proche des artistes et des grands collectionneurs, il voue une véritable passion pour le théâtre qu’il assume sous toutes ces formes : auteur à succès, il est aussi directeur depuis les années 1910 de plusieurs théâtres (le théâtre du Gymnase, le Moulin de la Galette). Il se montre avant-gardiste en faisant construire en 1929, le théâtre Pigalle, l’un des lieux les plus modernes de son temps, admiré de Jean Cocteau qui s’empresse de déclarer à son sujet  « Ce qui m’enchante, c’est que pour la première fois tant de géométrie s’harmonise, et qu’une âme habite le navire avant de prendre la mer ».  Il devient également un des plus gros actionnaires du théâtre du Châtelet. Henri de Rothschild n’est sans doute pas un aussi grand collectionneur que ses illustres oncles (Edmond James ou Alphonse de Rothschild, par exemple), ni un acteur majeur du marché de l’art malgré quelques achats retentissants. Il réside dans son hôtel parisien du 33, rue du Faubourg saint-Honoré, et à partir de 1924 au château de la Muette, ainsi que dans sa résidence estivale des Vaux de Cernay. Tous ces lieux abritent de très nombreux objets issus pour la plupart de la tradition familiale formée entre 1870 et 1900 par différents membres de sa famille. Toute sa vie durant, il montre un profond intérêt pour la peinture de Chardin qui reste le fil conducteur de sa collection. Malgré la vente de ses demeures, la dispersion d’une grande partie de ses collections en 1931 et 1933, la destruction de la plupart de ses tableaux de Chardin à Bath en 1942, Henri de Rothschild reste néanmoins l’un des plus grands mécènes de la première moitié du XXe siècle.