SAINT MARTIN PARTAGEANT SON MANTEAU

Emmanuel FRÉMIET 

Terre cuite originale polychrome en semi ronde-bosse, signée « FREMIET ».
H.45 x L. 33 cm. Cadre H. 60 x L. 49 x P. 9 cm.
Circa 1880

Bibliographie : Catherine Chevillot, Emmanuel Frémiet. La main et le multiple, catalogue de l’exposition, Musée des Beaux-Arts de Dijon (novembre 1988-janvier 1989), puis au musée de Grenoble (février-avril 1989) ; Collectif, La légende de saint Martin au XIXe siècle : Peintures et dessins, catalogue de l’exposition, Musée des Beaux-Arts de Tours, 22 octobre 1997-12 janvier 1998.

VENDU

 

 

 

Description

Le style éclectique de Frémiet a été plusieurs fois évoqué, comme dans ce commentaire : « Celui qui entreprendra d’écrire l’histoire de l’art au XIXe siècle sera dérouté par les qualités de souplesse qui empêchent de reconnaître l’ébauchoir ou le ciseau de ce grand artiste, qui variant sans cesse sa manière, réussit à triompher dans les genres les plus contradictoires – Qui se douterait par exemple – que l’auteur du Cheval de Montfaucon, du Faune jouant avec les ours alléchés par le miel, de l’Homme à l’âge de pierre est l’auteur de la modeste et distinguée Jeanne d’Arc » (1875 Véron, p 87). Ainsi en est-il de cette terre cuite originale totalement atypique de son répertoire que le sculpteur a fièrement signée, s’agissant d’une pièce unique.

De tous les saints de France, l’ancien soldat Martin de Sabaria, devenu moine, puis troisième évêque de Tours, est sans doute le plus populaire. D’innombrables églises, abbayes, paroisses et communes honorent sa mémoire. Célébré dès le IVe siècle par son premier et fervent biographe, Sulpice Sévère, ce chrétien  « vraiment digne des apôtres », eut un geste qui a particulièrement retenu l’attention des artistes : celui « à jamais célèbre dans les fastes de l’église » , du partage du manteau, du don, aux portes d’Amiens, en l’an 334 de la moitié de celui-ci à un pauvre hère nu et grelottant de froid au milieu d’un hiver qui sévissait plus rigoureusement que de coutume. Le renouveau religieux du XIXe siècle, en particulier sous la monarchie de Juillet mais surtout dans les années 1840 à 1850, sera aussi celui de Martin, même si le saint ne pouvait retrouver le pouvoir qui fut jadis le sien. Dans la première moitié du siècle, il s’agit de reconstruire les églises abandonnées, de les meubler, on commande des images de Martin qui trouveront naturellement place dans ces églises qui lui sont vouées. L’ État remplace les « ymagiers » disparus, fait appel à des peintres plus qu’à des sculpteurs, distribue ses Martin à cheval, commandés à des peintres de Paris et des Salons. La liste est longue parmi ces derniers ; parmi les plus célèbres citons Gustave Moreau (1826-1898), Victor Mottez (1809-1897), Jean-Victor Schnetz (1787-1870), Évariste-Vital Luminais (1821-1896), Luc-Olivier Merson (1846-1920),… Tous ces peintres contemporains d’Emmanuel Frémiet ont contribué à propager la légende du saint.

Il n’est donc pas étonnant que le sculpteur ait lui aussi été inspiré par ce renouveau religieux autour de la figure de Saint Martin. Avec cette sculpture, il a contribué à sa manière à reproduire l’épisode du don. Mais plus qu’une sculpture ostentatoire comme celle qui orne le palais de justice d’Amiens La charité de saint Martin par Justin-Chrysostome Sanson (1833-1910), il a choisi ici un format et un style propices à la dévotion privée. Directement inspiré des enluminures du Moyen Âge par sa riche polychromie, son fond or, et ses lettrines incrustées, cette terre cuite originale est une sculpture singulière, destinée à la piété et au recueillement. Elle est l’œuvre d’un sculpteur connu pour sa passion de l’histoire, pour ses recherches documentaires sur le Moyen Âge, réalisées comme une véritable quête archéologique, comme ce fut le cas pour les modèles de Jeanne d’Arc équestre (1874), de Saint Grégoire de Tours (1878),  ou encore de Saint Michel terrassant le dragon (vers 1897).