du 8 juin au 20 juillet 2023
Notre exposition s’inspire directement de celle organisée par Cécile Goldscheider au Musée Rodin en 1957 Rodin : ses collaborateurs et ses amis. En optant pour le même chapitrage, à notre tour, nous présentons ici certaines de ses œuvres ainsi que celles de ses maîtres, praticiens et amis. Nous évoquons ainsi tout d’abord Barye et Carrier-Belleuse, mais aussi Carpeaux qu’il vit pour la première fois à la Petite École. Ces trois sculpteurs, chacun à leur manière, ont influencé durablement son jeune talent. D’Auguste Rodin, nous présentons trois œuvres emblématiques : L’Âge d’airain, l’Éternel Printemps, le Baiser. Elles constituent en quelque sorte le socle de l’exposition et nous amènent à évoquer les praticiens qui constituent son atelier ; dès les années 1880, pour faire face à des commandes croissantes, Rodin s’entoure d’assistants, qui sont des praticiens, metteurs aux points, mouleurs ou chefs d’atelier et que Bourdelle, l’un d’entre eux, représenté ici par La Vierge à l’offrande, décrit ainsi : « Il s’agit là d’un procédé très largement répandu au XIXe siècle, la plupart des statuaires se déchargeant de la taille, devenue une opération mécanique, sur des assistants ou des ouvriers spécialisés. Pour Rodin, comme pour ses contemporains, le travail de sculpture consiste dans le modelage de la terre, ou l’assemblage des plâtres, de façon à créer des groupes dont la réalisation en matériau définitif est toujours confiée à d’autres, fondeur ou praticien qu’il s’agit d’un bronze ou d’un marbre ». C’est d’ailleurs un magistral « buste hommage » Buste d’Auguste Rodin 1899 par Falguière qui vient ici sacraliser le portrait du maître en cette fin de siècle. Mais au tournant du XXe siècle, les praticiens et amis, tous présents dans l’exposition, s’émancipent : Bourdelle, Dejean, Desbois, Despiau, Drivier, Maillol, Pompon cherchent comment intégrer la leçon du sculpteur out en se dégageant de son ombre écrasante.
C’est ainsi qu’entre 1905 et 1914 s’écrit à Paris l’une des grandes pages de la sculpture moderne.
Certains artistes comme Maillol et Bourdelle changent de style. Cette césure intervient également dans la sculpture animalière avec Pompon dont nous présentons un Coq (1913) où la plénitude de la masse vibre par le seul jeu des lumières. D’autres élèves de l’atelier de Rodin vont sortir des pas du maître en développant un style plus sobre. Lucien Schnegg est de ceux-là. Il devient le chef de file de « la bande à Schnegg ».Tous ces sculpteurs, anciens élèves et / ou praticiens de Rodin ont en commun un savoir technique indubitable et un attrait pour les formes épurées héritées de l’Antiquité gréco-romaine. Certains d’entre eux, tel Dejean, revendiquent ouvertement cette filiation : « Devant les Grecs, j’éprouve un bienfaisant sentiment de repos, tandis que chez Rodin je ne puis me cacher de ce déséquilibre. ». Parmi les amis, citons Joseph Bernard ou bien encore Alfred Boucher avec son célèbre Volubilis ; ce sont sur ses recommandations que Rodin et Camille Claudel se sont rencontrés…
Un ensemble de photographies provenant du fonds Gustave Coquiot-Mauricia de Thiers et ayant servi à l’illustration du livre Rodin à l’hôtel de Biron et à Meudon (1917), viennent compléter ce panorama. On s’arrêtera pour finir sur ce saisissant Portrait de Rodin coiffé d’un béret par Claude Harris (circa 1914), puissant et sensible à la fois, dont la présence sur fond noir relève du plus beau des clairs obscurs.
Nicolas Bourriaud