LA CHARITÉ (VERS 1877)

Aimé-Jules DALOU

Terre cuite originale, avec traces de badigeon rosé signé « DALOU ».
Esquisse préparatoire.
H.28,5 cm. Sur un socle circulaire en marbre rouge et bronze doré Diam. 22 cm et H. 8,5 cm .
Provenance : collection particulière, France ; conservée dans la même famille depuis le début du XXe siècle.
Oeuvres en rapport : Aimé-Jules Dalou, Charité, terre cuite, vers 1878, H. 71 cm, signé Dalou sur la base, Londres, V&A Museum, n°inv. A.27-1948 ; Aimé-Jules Dalou Charité, vers 1877, esquisse en terre cuite sur socle en marbre rouge, H. 38 cm, Paris, musée d’Orsay, n°inv. RF2314 ; Aimé-Jules Dalou Charité Vers 1877, tirage en plâtre teinté, dim. 35,5 x 30 x 19 cm, Paris, musée des beaux-arts de la ville de Paris, Petit Palais, n°inv.PPS2088 ; Aimé-Jules Dalou, Charité, marbre, vers 1877, H. 91 cm, Londres V&A Museum n°inv.A.6-1993 ; Aimé-Jules Dalou, Charité, vers 1877, bronze, H.34 cm, Londres, William Morris Gallery n°inv. BRS3 ; Aimé-Jules Dalou, Charité, Fontaine en bronze, 1897, en remplacement du groupe en marbre placé en 1877, Londres, Exchange Avenue.
Bibliographie : M. Dreyfous, Dalou, sa vie et son oeuvre, Henri Laurens Editeur, Paris, 1903, pp. 88-89 ; A Simier et M. Kisiel, Jules Dalou, le sculpteur de la République, catalogue des Sculptures de Jules Dalou conservées au Petit Palais, Paris Musée, 2013, p.349.







Description

Les sujets que Dalou aborde pendant son exil anglais (1871-1879) sont très largement liés à la sphère intime. Ils correspondent à la fois au rétrecissement de son cercle de proches – il est arrivé seul avec femme et enfant, dans un pays dont il parle mal la langue, et fréquente quelques rares amis artistes -, et au goût de ses commanditaires anglais : des financiers ou des propriétaires terriens, qui voient dans le sculpteur français un artiste dans la tradition des Houdon ou des Chinard que leurs aïeux affectionnaient. Dans la capitale anglaise, il entame une nouvelle carrière et bénéficie de commandes essentiellement privées et du soutien d’un réseau de mécènes. Fort de son succès aux Salons londoniens et en particulier, ceux de la Royal Academy, Dalou devient un portraitiste renommé, fort apprécié pour ses figures de genre : des maternités, des baigneuses, des femmes en prière, des jeux d’enfants… L’artiste est perçu tantôt comme un novateur, tantôt comme un classique.  Toutes ces recherches donnent naissance à deux commandes majeures : celle du Monument àla mémoire des petits-enfants de la reine Victoria d’une part, et d’autre part, d’un monument public La Charité, groupe en marbre représentant une mère allaitant son nourrisson et protégeant un jeune enfant. La statue est commandée pour 300 livres par le Broad Street Ward de la City de Londres en 1877, pour une fontaine installée au dos du Royal Stock exchange. La mère nourricière, la tête ceinte d’un diadème, symbolise la générosité de la ville, dispensatrice d’une eau saine. Livré en 1879, le marbre, vite dégradé, est remplacé en 1897 par un bronze. Ces deux oeuvres témoignent de l’importance et de l’influence dont jouit Dalou outre-Manche.

Notre terre cuite, jusqu’alors inédite, s’intègre dans le processus de création du groupe de la Charité. En la comparant avec le bronze actuellement en place, on y retrouve la composition générale inversée, l’enfant agrippé dans le dos en moins. Modelée avec nervosité et tendresse, elle pourrait être une première ébauche, antérieure à celle, très proche et de plus grande dimension, conservée au Victoria and Albert Museum (H.71cm). Toutes deux représentent une femme assise allaitant un enfant tandis que deux autres l’entourent, l’agrippent et semblent vouloir se disputer le sein maternel. S’inspirant de scènes observées dans son foyer, faisant poser des modèles, jeunes femmes, bébés, enfants, Dalou multiplie les études du geste juste, celui du rapport le plus émouvant entre la mère et l’enfant.

Par sa virtuosité à modeler la terre, le sculpteur nous livre ici une scène chargée d’émotion où les corps se gorgent de chair et de vie, où la mère, tête renversée,  s’abandonne dans un débordement de bonté, reflétant magistralement le processus d’élaboration de la sculpture, de l’esquisse à l’œuvre achevée. Grâce aux écrits de son biographe, Maurice Dreyfous, on sait que Dalou ne gardait pas systématiquement ses esquisses et était plutôt enclin à les détruire. Cette première ébauche, magnifiquement conservée, si fraîche, n’en est que plus précieuse et vient compléter le corpus préparatoire de la sculpture londonienne commandée et réalisée en 1877.